You are currently viewing Une simple mission – suite et fin (partie 3)
Femme tenant une tasse de thé dans un train

Suite et fin du voyage en Transsibérien pour Léa et Ethan. 

Vous dans ces liens la partie 1 et la partie 2.

— Que se passe-t-il ? lui demandais-je en français.

Il ne put me répondre, car on l’agenouilla, un homme derrière moi appuya brutalement sur mes épaules en me donnant un coup dans les jambes. Comprenant le message, je tombais dans la même position que mon frère. Ce dernier réagissait mal quand on me touchait, aussi commença-t-il  à se débattre en voyant le traitement qu’on m’avait infligé.

— Ne la touchez pas ! hurlait-il en anglais. Je vous dis que ce sac n’est pas le mien !  Il a été déposé là, mais il n’est pas à nous !

Ils se mirent à quatre pour l’immobiliser, à plat ventre, et les mains menottées dans le dos, mon rythme cardiaque s’envolait, j’avais peur pour lui. Je ne savais pas ce qu’ils avaient trouvé pour réagir de cette façon. Nous avions l’habitude, de nous faire passer pour des parfumeurs, voyager avec des fioles de liquide nuancé d’ambre rendait les forces de l’ordre suspicieuses. Cependant, ils avaient rarement ce genre de ripostes violentes.

— Calme-toi, ordonnais-je à mon frère, essayant de maîtriser ma voix pour qu’elle ne trahisse pas ma peur. Je vais bien, on va bien !

Cela apaisa ses mouvements désordonnés, mais pas la colère qui émanait de chacun des pores de sa peau. À y regarder de plus près, je voyais aussi des nuances de peur. Je comprenais parfaitement son humeur à dire vrai. Ils firent remonter le reste des voyageurs, seule notre Provodnista était encore avec nous. Grande, brune, imposante, le visage sévère, elle nous dévisageait pourtant avec tristesse. Une voix me fit alors sursauter, manquant de me faire avoir un arrêt cardiaque.

— Ne bougez pas, personne d’autre que vous ne m’entend ou ne me voit, je suis là pour vous aider.

Je tentais de tourner la tête, mais je ne pus voir qu’une ombre noire faire le tour et se matérialiser devant moi. L’homme aux dreadlocks ! J’ouvris la bouche pour parler et il me fit signe de me taire :

— Vous êtes sourde ? Votre situation est assez précaire comme ça, inutile d’en rajouter en parlant au vide devant vous.

Il fit une pause pour être certain que j’obéirais. Constatant que personne ne lui prêtait attention, je le crus immédiatement, il était déplacé dans ce décor froid. Je lui lançais un regard glacé, le sommant de continuer.

— Ils ont trouvé des morceaux de corps et plusieurs armes au milieu des vêtements dans le sac d’Ethan.

Quoi ? Et comment connaissait-il le nom d’Ethan ?

— Je vais vous aider, faites-moi confiance.

N’ayant pas d’autre choix, je contemplais mon frère dont le genou d’un policier appuyait toujours sur dos. Je hochais discrètement la tête et me remis à répéter les mots de mon frère tout en surveillant les faits et gestes de l’homme aux dreadlocks. Il se glissa tout d’abord près de la Provodnista et lui murmura quelque chose près de son oreille. Je n’eus pas le temps de voir sa réaction, car on me donna un coup et je fus allongée sans douceur contre le béton glacé, la tête tournée vers mon frère, je croisais enfin son regard paniqué.

— On va trouver une solution, lui murmurais-je alors que j’étais menottée.

Mon garde m’aboya des ordres, probablement de me taire, alors que j’entendais notre hôtesse parler de sa voix sèche et perchée. La barrière de la langue était un vrai problème, personne ne paraissait nous avoir compris. Comment pourrons-nous nous défendre sans parler leur langue ? Aurons-nous la possibilité de le faire ? La justice russe était célèbre pour son manque d’impartialité, pourrons-nous appeler notre père afin qu’il puisse organiser notre défense. La panique déferla en moi alors que je dévisageais mon frère. Il dut comprendre ce qui se passait dans ma tête, car nous nous mîmes à parler en même temps. Je les entendis crier au-dessus de nous, un homme frappa mon frère, je l’invectivais persuadée que mon ton ne laisserait aucun doute sur la teneur de mes propos. Et tout à coup, ce fut le trou noir.

Je me réveillais, sonnée, surprise de sentir le roulis du train. J’ouvris les yeux, paniquée, quand je sentis deux grandes mains m’obliger à rester couchée. Je croisais le regard de mon frère, il avait un œil amoché et la lèvre inférieure tuméfiée, mais nous étions libres et de nouveau dans le train.

— Que s’est-il passé ?

— Il semblerait qu’ils n’aient pas apprécié de se faire insulter dans la langue de Shakespeare.

Je grognais en passant ma main sur mon front avec l’impression que quelqu’un essayait de me perforer la boîte crânienne de l’intérieur. Je le crucifiais du regard, lui intimant silencieusement de me raconter le dénouement.

— Notre Provodnista, la tendre Olga, s’est souvenue que je n’étais pas le seul dans ce wagon à avoir un sac comme ça. Alors ils sont retournés dans le train et ont sorti le petit malin qui avait échangé nos sacs avant l’arrêt. Bon, personne ne s’est excusé, mais on est libre.

Sa voix trahit son émotion, il me caressa la joue de sa grande main et se releva :

— Maintenant que tu es à nouveau parmi nous, je vais aller donner ma reconnaissance éternelle à la merveilleuse Olga.

Avec un dernier sourire, il partit.  Je me redressais avec précaution, il m’avait installé sur sa couchette, aussi pas besoin de me battre avec mon élégance naturelle pour mettre les pieds au sol. Ma tête me faisait horriblement souffrir, étais-je aussi abîmée qu’Ethan ? Je soupirais et pris ma trousse de toilette. Après une courte queue durant laquelle mes prédécesseurs me dévisagèrent, j’accédais enfin à la petite pièce où je m’enfermais. Je posais mon fardeau, tout en me contemplant d’un œil critique. Rien à déplorer à part un énorme bleu en train de fleurir sur une de mes joues.

— Dans quelques jours, il disparaîtra, fit une voix reconnaissable derrière moi me faisant encore une fois sursauter.

Je me retournais d’un bloc et me cognais contre lui, remarquant alors son odeur de propre et de cuir.

— Mais qui êtes-vous ? grognais-je.

— Un simple merci me conviendrait parfaitement, me répondit-il tout sourire.

— Je ne dis pas ce genre de chose aux créatures surnaturelles que je ne connais pas.

— C’est bien, mais vous m’êtes quand même redevables, tâchez de ne pas l’oublier.

Et il disparut sans autre forme de procès, me laissant frissonnante et seule. Je me contemplais encore dans le miroir en me rappelant qu’Ethan et moi étions vivants et libres… pour l’instant.

 

Nathaniel se matérialisa dans la cabine où il savait qu’il trouverait un café digne de ce nom. Mélangé à l’arôme entêtant, il reconnut l’odeur saisissante de bergamote de son compagnon du jour.

— Tout s’est bien passé ? demanda Dimitri.

— Oui, je l’ai simplement informée de sa dette.

Le contrôleur acquiesça et prit sa tasse.

— Lui as-tu révélé ton identité ?

Nathaniel fit non de la tête, en général les gens prenaient mal le fait d’être redevable à l’Ange de la Mort.

Ange de dos